La forêt du Centre-Val-de-Loire vue par les BTS GF
La traditionnelle tournée des BTS GF de Meymac (BTS Gestion Forestière 2ème année) s’est déroulée en région Centre-Val-de-Loire. L’occasion de rencontrer des professionnels du secteur de la forêt travaillant essentiellement autour du feuillu et particulièrement l’essence chêne.

Le reboisement des chênaies du Val-de-Loire
Les étudiants ont commencé leur voyage d’étude par la visite d’une propriété forestière de 650 hectares avec Pierre BARON, gestionnaire forestier professionnel et entrepreneur de travaux forestiers. Ses activités portent principalement sur les reboisements, les travaux forestiers sylvicoles et la gestion forestière.
La question du renouvellement des chênaies
La forêt de la région est privée à 75% et constituée à 75 % de chênes. Le problème actuel est l’adaptation et le renouvellement du chêne pédonculé face aux évolutions climatiques et son remplacement par le chêne sessile, un chêne pubescent.

Le renouvellement des chênaies peut se faire de plusieurs manières :
-en plein, comme dans les forêts domaniales,
-en irrégulier, par tâches,
-en reboisement (comme ici) car trop peu de semenciers et afin de renouveler la génétique.
Le plan de relance propose des itinéraires techniques sylvicoles et la mise en place de forfaits par hectares : ici 5 300€ / Ha (60% financé par l’Etat et 40% par le propriétaire). Le reboisement est d’environ 1 400 plants de chênes par hectare (3,50m entre les lignes de plantation et tous les 2m sur la ligne).
Le gestionnaire donne aux étudiants quelques conseils pour bien calculer les densités par hectare et l’organisation d’un reboisement qui coûte 3 000 à 3 500€ / hectare. La plantation en ligne permet d’espérer traiter 400 plants par jour, moins en regarni car il faut parcourir la plantation pour repérer les plants morts.
Techniques de plantation expliquées aux BTS GF de Meymac
Le fournisseur est la pépinière BAUCHERY (41). Tous les plants sont en racines nues, ce qui nécessite des protections particulières pour le transport. Enfin, la période de plantation se réduit car l’arrachage des plants n’est possible qu’après que les arbres aient « aoûté », ce qui se décale dans le temps jusqu’en septembre voire octobre.
Cette période est optimale entre décembre de l’année n et fin mars n+1. Pour les plans livrés en motte, la saison de végétation est plus longue. Un certificat de provenance est attribué lors de la livraison des plants, permettant aux gestionnaires et aux propriétaires de connaître leurs origines. Enfin, pour la protection contre les dégâts du chevreuil, un ou deux passages avec pulvérisation de « trico » (répulsif à base de graisse de moutons) est possible mais l’efficacité reste limitée en raison de la petite taille des plants à traiter, à la différence des résineux.
Le groupe d’étudiants visite ensuite une parcelle de 7 hectares chênaie – charmaie, ancienne coupe de feuillus ayant fait l’objet d’un bon ensemencement il y a 15 ans. Sur les hauteurs inférieures à 3 mètres, les travaux se font en plein sur la parcelle avec l’objectif d’éliminer les bouleaux et les rejets de souches, pour ne conserver que des arbres de franc pied. Pour les hauteurs comprises entre 3 et 7 mètres (spécimens d’environ 15 ans), il s’agit de travailler pour les « sprinter », ces futurs chênes qui se repèrent des autres et d’en conserver un tous les trois à cinq mètres entre eux.
Le charme est présent, il doit rester une essence d’accompagnement et ne doit pas concurrencer les chênes sélectionnés. Le danger ici, pour la réussite d’un bon renouvellement de la chênaie, sont la molinie et la fougère si non en moyenne, il existe une bonne glandée tous les 2 à 3 ans en Région Centre Val-de-Loire.
La solution de la futaie irrégulière
L’ingénieur présente aussi aux étudiants une parcelle de 25 hectares gérée en irrégulier, une forêt composée de 70% de chênes sessiles et 30% de chênes pédonculés. Le gestionnaire donne à nos futurs techniciens des notions spécifiques à la conduite de peuplements en irréguliers. C’est une sylviculture d’arbres et non de peuplement comme on peut le faire dans une futaie régulière de chênes.
Il s’agit ici d’anciens taillis sous futaie où il faut miser sur l’avenir afin de le convertir en futaie irrégulière. Un outil pour mener à bien cette opération est la surface terrière. Elle doit être comprise idéalement entre 12 et 15 m2 (soit 100m3/Ha). Si elle est supérieure à 15 m2, Il faut décapitaliser (enlever des gros bois) afin d’apporter de la lumière au sol mais raisonnablement pour éviter la prolifération des ronces.
Les trouées doivent être de taille équivalente aux gros bois (emprise du feuillage et de l’ombrage associé au sol), soit 15 mètres de diamètre en moyenne. Ici, sur les 20 hectares travaillées on compte 80 trouées équivalent gros bois, soit 4 trouées par hectares. Elles restent à suivre dans le temps afin de repérer et favoriser les meilleurs chênes pour demain.
Le dernier point abordé avec nos étudiants est l’aspect financier de la vente des bois de chêne. L’exploitation est faite en régie et les bois sont mis en vente en bord de route. Les prix moyens pour l’automne 2022 sont les suivants :
-plot : 500 à 600 €/m3
-avivé : 200 à 250 €/m3
-charpente (selon la longueur des grumes) : 130 à 200 €/m3.
Le chêne de Centre-Val-de-Loire, un bois d’exception
Pour la suite de leur découverte de la filière bois en Centre-Val-de-Loire, les étudiants ont rencontré Mathis VRIET de la TONNELLERIE VRIET.
Les BTS GF de Meymac découvrent le travail du bois en tonnellerie
Dans l’atelier, ils ont assisté au montage d’un tonneau qui nécessite 28 à 36 douelles de 4 à 13 cm de large. La douelle est issue du fendage d’un billon de chêne qualité merrain dont la longueur varie de 80 à 110 cm. Ces bois de très haute qualité permettent de viser de grands crus de Bourgogne et de Bordeaux ainsi que des marchés à l’international, notamment les USA et l’Australie.
Une fois le tonneau assemblé (opération du fermage), il est chauffé afin de ramollir les bois et lui donner sa forme définitive. Une autre étape consiste à contrôler l’étanchéité du tonneau ainsi qu’une finition impeccable afin d’avoir des produits de haute qualité. Les étudiants ont pu visiter la merranderie où sont fabriquées les douelles nécessaires à l’atelier de tonnellerie. Le chef d’entreprise insiste sur les défauts à éviter pour les bois de merrains : altérations dues aux insectes et champignons qui rendent les bois impropres à la fabrication de ce fleuron français.



Un capital feuillu à mettre en valeur
Par la suite, les étudiants du BTS GF de Meymac ont rencontré David HOUMEAU, technicien du CNPF de l’antenne du Cher.
Après un rappel du statut du Centre National de la Propriété Forestière, de ses missions et des objectifs assignés à la forêt privée en matière de documents de gestion durable, le technicien précise que sur le département du Cher il y a 950 plans simples de gestion (PSG) dont 60 à 80 à réinstruire chaque année.

La forêt de la région Centre-Val-de-Loire, s’étend sur environ 950 000 hectares dont 85% est privée. Plus précisément, le département du Cher recense 190 000Ha de forêts privées pour 87% et appartenant à 25 000 propriétaires. Le chêne est l’essence phare de cette forêt (80%) qui compte aussi du hêtre, du charme et du châtaignier. Concernant les résineux, pins sylvestres, pins maritimes et pins Laricios de Corse constituent l’essentiel.
Sur le domaine, objet d’étude de l’après-midi, David HOUMEAU précise qu’il s’agit d’un ancien taillis sous futaie où apparaissent deux étages : le taillis et les réserves. Aujourd’hui, on ne parle plus de taillis sous futaie mais de mélange futaie taillis ou de taillis avec réserve. Depuis les années 1990, le CNPF a établi des typologies de peuplements afin de permettre aux propriétaires et aux gestionnaires de choisir le mode de traitement à mettre en place. Il est important de rappeler qu’il faut adapter la sylviculture au peuplement et non l’imposer (exemple de l’irrégulier à tout prix !).
Des choix de gestion forestière
Pour choisir un traitement à une forêt, il faut se poser les bonnes questions : régulier ? Irrégulier ? C’est par la surface terrière, la structure du peuplement que les choix se feront. S’il existe une seule catégorie dans la structure, le choix doit se porter sur un traitement régulier, s’il existe deux ou trois catégories, alors il faut privilégier le peuplement irrégulier.
En futaie irrégulière, on parle de coupes jardinatoires et de notions de richesse. Ainsi, si la surface terrière est supérieure à 18 ou 20 m2, les semis ne peuvent pas se développer car le peuplement est riche et dense, la lumière ne peut parvenir jusqu’au sol. Si la surface terrière est inférieure à 15 m2 dans des peuplements de chênes, les semis peuvent se développer.
Par groupes de quatre, les étudiants calculent la surface terrière, analysent la structure du peuplement et présentent leur synthèse à l’animateur CNPF. Plusieurs stations sont ainsi analysées et explicitées.
La sylviculture en futaie irrégulière est compliquée. Si l’on passe de 20 m2 à 16 m2 en surface terrière (-20%), que l’on décide de prélever de nouveau tous les ans, sachant que chaque année la surface prend 0,3 m2/an dans les chênes (soit 3m2 en 10 ans), la lumière au sol disparait très vite et ne permet pas de régénérer correctement le peuplement. Il faut vraiment penser à éclairer le sol !
Une forêt patrimoniale
Pour leur dernier jour dans les forêts de la région Centre-Val-de-Loire, le groupe d’étudiants de Meymac s’est rendu au Belvédère des Caillettes, en forêt domaniale d’Orléans. Ils y ont rencontré Christophe Dufour, technicien forestier territorial à l’Office National des forêts.
La forêt domaniale d’Orléans
La forêt domaniale d’Orléans est la plus grande forêt d’Etat en France avec une surface de plus de 35 000 hectares, c’est une forêt de plaine dont l’altitude maximale atteint 170m. L’essence dominante est le chêne (pédonculé ou sessile) mais on y trouve également des pins sylvestres sur les sols les plus hydromorphes ainsi que des plantations de pins Laricios et de pins maritimes. De nombreuses pistes desservent cette forêt et les carrefours en étoiles sont des vestiges de l’ancienne forêt royale où la chasse à courre était pratiquée. On note des dépérissements sévères chez les pins sylvestres ainsi que la présence de la maladie des bandes rouges (champignons) sur les pins Laricios.
Les étudiants observent la parcelle 755, un peuplement de chêne de 180 ans en cours de régénération. Un martelage est réalisé pour les ventes à l’automne 2023. Il existe des cloisonnements d’exploitation tous les 25 mètres afin de sortir les bois sans impacter l’ensemble de la parcelle. Un certain nombre de semis sont déjà présents au sol, ce qui est rassurant pour la suite. Toutefois, le technicien rappelle aux futurs forestiers l’importance d’avoir un semis acquis, et pour cela différer certaines coupes quand il y a des doutes par rapport au gel de printemps ou aux fortes chaleurs estivales qui peuvent brûler les jeunes semis.



Gestion forestière en forêt domaniale
À noter la présence d’arbres bios sur la parcelle, désignés par un triangle chamois inversé, ils sont à conserver pour la biodiversité.
Sur une autre parcelle, les étudiants observent une futaie régulière de chêne âgée de 95 ans. Les arbres d’avenir sont déjà désignés et les opérations sylvicoles se font pour eux et autour d’eux. Une centaine est désignée, toujours selon le critère de la vigueur de l’arbre. L’exploitation forestière est manuelle.
Puis le groupe se rend sur un îlot d’avenir, objet du Plan de Relance et de la volonté de l’ONF de tester de nouvelles essences résistantes à l’évolution climatique. Il s’agit de pins Brutias, plantés à une densité de 1500 arbres par hectares. Sur d’autres îlots d’avenir, des essais sont réalisés en pins Rigida, en liquidambars et en Métaséquoias. Enfin, un dernier arrêt se fait sur la route de Chambon afin de comprendre la vente en régie pratiquée par l’ONF. Il s’agit de lots de bois de chêne, présentés en bord de route et classés selon les qualités de bois. Ici, 500 m3 sont à disposition des acheteurs pour une vente à venir prochainement.